La problématique des batteries sur nos véhicules
L’émergence des véhicules électriques confère aux batteries d’accumulateurs une importance jamais égalée jusqu’à ce jour, mais avant d’esquisser des projections sur les progrès réalisables en matière d’autonomie et de temps de charge, il nous semble opportun de revenir sur quelques lois fondamentales et sur plusieurs phénomènes indésirables, d’autant que la batterie est souvent accusée de défaillances dont elle n’est pas responsable.
Le principe de l’accumulateur au plomb a été découvert en 1859 par le physicien français Gaston Planté né en 1834, mais sa fabrication n’a franchi les portes des laboratoires qu’après 1890 pour devenir une réalité industrielle. En effet, la traction électrique connaissait déjà des débuts prometteurs (apparition du premier fiacre automobile ci-dessus en 1894, concours de fiacres électriques en 1898…) sans oublier la « jamais contente » de JENATZY qui a franchi le cap des 100 kilomètres à l’heure en 1899.
Nous ne reviendrons pas sur les transformations chimiques réversibles des feuilles de plomb trempées dans une solution d’acide sulfurique, ni sur les effets du courant électrique dans cette solution car ils sont abondamment décrits sur Internet.
S’agissant des progrès techniques, on a observé une similitude entre l’évolution des batteries de démarrage et celle des batteries stationnaires employées notamment dans les télécommunications. Les matières actives rapportées sur des grilles en alliage fondu (procédé FAURE) ont permis de rendre les batteries plus compactes, donc plus performantes. Beaucoup plus tard, sont apparues les batteries étanches, donc sans entretien, grâce à un procédé de recombinaison des gaz à plus de 95% et à des valves de sécurité contrôlant la surpression en cas de surcharge.
Dans ce domaine comme dans d’autres, un industriel mal intentionné peut définir un objectif « d’obsolescence programmée » en jouant sur l’épaisseur des plaques et sur le volume de la matière active. C’est d’ailleurs pour garantir une certaine longévité des batteries, et surtout une véritable concurrence, que le SRCT (1) avait institué des essais d’homologation contraignants dans ses laboratoires d’Issy les Moulineaux vers la fin des années cinquante.
Indépendamment des indices de vieillissement d’une batterie, des phénomènes électrochimiques influent directement sur son état de fonctionnement:
– la migration progressive de particules d’antimoine dans les séparateurs se traduit par un phénomène d’autodécharge, lequel est accéléré par une hausse de la température ambiante (défaillances constatées en période estivale);
– la baisse de la température ambiante affecte de 1% par degré C la capacité disponible (défaillances constatées en période hivernale).
Jusqu’à la fin des années 90, les performances médiocres des batteries au plomb dédiées à la traction électrique permettaient à peine d’effectuer 60 km entre deux opérations de charge. Certains véhicules Renault et PSA de la génération 1995-2005 furent dotés de batteries au nickel-cadmium à plus longue durée de vie. L’autonomie de ces véhicules pouvait atteindre 90 km, mais la présence du cadmium et des autres substances dangereuses fut interdite par une directive européenne de 2002. Cette période de transition a précédé l’avènement de la batterie au lithium-ion qui offre une capacité volumique et massique trois fois plus élevée, laquelle peut atteindre 250 Wh/kg. Sa haute densité énergétique permet de tripler l’autonomie du véhicule sans affecter son poids et sa résistance aux cycles de charge et décharge (3000 cycles à 80%) est bien supérieure à celle des batteries au plomb. Aujourd’hui, le couple lithium-ion occupe une place prédominante sur le marché des véhicules électriques comme sur le marché de la téléphonie mobile. Dans un autre domaine, son aptitude au stockage de l’énergie renouvelable est démontrée avec une réserve d’énergie de plusieurs centaines de kWh par installation.
En matière de sécurité, la batterie au lithium-ion nécessite toutefois des dispositifs de protection intégrés dans chaque élément d’accumulateur pour éviter les décharges profondes ou les surcharges excessives. A défaut, le danger peut aller jusqu’à l’emballement thermique et même jusqu’à l’inflammation ou l’explosion de la batterie, ce qui explique la grande vigilance, voire le choix de technologies mieux éprouvées dans le domaine aéronautique. Le même phénomène a d’ailleurs été observé sur des smartphones du constructeur Samsung en octobre 2016. D’une façon générale, on notera que les risques d’inflammation augmentent avec la densité énergétique puisque la chaleur dissipée par la résistance interne devient plus difficile à évacuer. Néanmoins, des dispositions sont prises pour les charges rapides et la borne très puissante d’une station-service permet de retrouver 80% de la capacité en trente minutes.
Quoi qu’il en soit, l’intérêt des constructeurs automobiles pour les véhicules électriques a été stimulé par le scandale des moteurs diesels truqués et par les nouvelles normes anti pollutions exigibles à partir de 2020. Corrélativement, plusieurs constructeurs ont annoncé de gros investissements pour proposer à brève échéance le mode électrique sur tous leurs modèles. De plus, des pays comme la Chine, premier marché mondial de voitures, ont souhaité interdire rapidement les véhicules thermiques pour mieux résoudre les problèmes de pollution récurrents.
Dans cette perspective, les matériaux susceptibles d’accroître la densité énergétique et la rapidité de charge sont les vecteurs principaux de la recherche actuelle. Des scientifiques travaillent sur le revêtement en graphène, dérivé du graphite, pour doper les performances des batteries au lithium-ion destinées au secteur de la téléphonie mobile et, par extrapolation, à celui de l’automobile. Si cette avancée se réalise, l’arrivée du graphène dans les batteries au lithium-ion représentera une véritable rupture, à moins que l’hydrogène et la pile à combustible prennent le relais avec la généralisation des prolongateurs d’autonomie (2).
Hélas, outre les risques d’épuisement des réserves exploitables du lithium que l’on trouve essentiellement en Amérique latine et en Chine, l’expansion du parc des voitures électriques impliquera le développement de nouvelles structures pour un recyclage spécifique des batteries de traction, sans dénominateur commun avec celui des batteries de démarrage. A ce jour, des procédés relevant de l’hydrométallurgie permettent de transformer les accumulateurs en matières secondaires, notamment pour récupérer le cobalt et le lithium utilisé en faible quantité. Au-delà de la nécessité du recyclage, et de la pollution qui en résultera, on devra s’interroger sur la fourniture d’électricité supplémentaire pour faire face à ce nouveau mode de locomotion. Corrélativement, le développement des énergies renouvelables devra suivre l’extension du parc sous peine de compromettre le plan de fermeture des réacteurs nucléaires. Partant de ces considérations, c’est peut-être avec plus de partage et moins d’embouteillages que l’avenir se dessinera grâce à un développement plus volontariste des transports collectifs respectueux de notre environnement.
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René Revol (13/12/17)
- (1) SRCT : Service de Recherche et de Contrôle Technique
- (2) Références : quel avenir pour les piles à combustible et Brevet ASCETE déposé par France Télécom le 16/02/1998
(Voir rubrique ACTUALITES du site Web : www.renerevolconseil.com )