14 Jan

L’efficacité énergétique des centres de données

datacenter

L’objet de cet article n’est pas d’appréhender les empreintes énergétiques et environnementales générées par les milliards de données échangées quotidiennement, les vidéos téléchargées, les documents dématérialisés, les objets connectés…, mais simplement de mieux maîtriser la consommation d’énergie électrique des centres de données, communément appelés les « datacenters», qui assurent le traitement, le stockage et la restitution de toutes ces données numériques. En effet, la maîtrise de l’énergie est devenue un enjeu majeur, d’autant plus qu’une grande partie des coûts de fonctionnement d’un centre de données est liée à sa consommation électrique.

Un état des lieux impressionnant

Au début de la décennie, la presse spécialisée considérait que la consommation électrique d’un centre de données de 10 000 m2 était comparable à celle d’une ville de 50 000 habitants. A ce jour, les progrès réalisés en matière d’efficacité énergétique sont indéniables mais en contrepartie, le marché des centres de données progresse de 15 à 20% par an car la plupart des clients attendent un accès illimité aux données et des performances sans cesse améliorées. A ce titre, les hébergeurs sont conduits à proposer un taux de disponibilité toujours plus élevé, soit au minimum 99,99 % (moins d’une heure d’arrêt cumulé annuel). On notera que cette exigence de disponibilité affecte quelque peu l’efficacité énergétique des installations car la disponibilité repose sur une redondance, voire une duplication des équipements avec des pertes d’énergie supplémentaires.

Selon les estimations, le trafic mondial des données est déjà six fois plus élevé que le trafic observé en 2011. Sous cet angle, la France rattrape son retard par rapport à d’autres pays européens et le volume des données a explosé dans l’hexagone. Elle arrive maintenant aux avants postes en matière d’implantation des grands centres de données et occupe la troisième position en Europe, derrière le Royaume-Uni et l’Allemagne.

Avec des projections à court terme, on estime que les besoins en énergie des centres de données représenteront 2 à 3 % de la consommation électrique mondiale en 2021. De plus, on retrouve le même ordre de grandeur dans la consommation électrique des réseaux numériques proprement dits.

Si l’on prend en compte l’effet de serre et le réchauffement climatique induits par l’électricité consommée dans l’hexagone, on note que les centres de données sont alimentés à 80% par les centrales nucléaires, 18% par les sources d’énergie renouvelable et 2% par des centrales au gaz ou au charbon.

La contribution des tensions élevées

Chacun sait que le courant électrique subit des transformations et chemine dans des câbles d’énergie pour alimenter des charges informatiques. En matière d’ingénierie, on devra donc sélectionner des transformateurs, onduleurs et convertisseurs à très haut rendement, sans pour autant sacrifier les coûts d’investissement.

Afin de réduire les pertes d’énergie par effet joule, on se doit d’adopter des tensions élevées sur toute la chaîne d’alimentation. A titre d’exemple, la dissipation dans les câbles d’alimentation des baies informatiques est soixante-quatre fois plus faible si on élimine le 48V au profit du 400V. Pour des raisons historiques, cette opération de substitution s’est échelonnée dans le temps car les équipements des réseaux téléphoniques commutés étaient alimentés sous 48V. Force est de constater que les tensions basses n’ont totalement disparu qu’au cours de cette dernière décennie.

Concernant la tension d’entrée dans les baies d’équipements (racks de serveurs, racks de stockage…), un débat s’est instauré entre les partisans du 400V continu et ceux du 400V alternatif. Le lobbying déployé par les industriels, en faveur de l’une ou l’autre des solutions, n’a pas permis à l’ETSI (Européen Télécommunications Standards Institute) d’imposer un choix sur le plan normatif. En effet, avec les nouvelles technologies, les équipements de conversion considérés (redresseurs ou onduleurs) présentent les mêmes niveaux de prix et les mêmes taux de rendement, lesquels s’établissent à 96 % au minimum.

Datacenteur de VAL de REUIL en construction (Août 2011)

Datacenteur de VAL de REUIL en construction (Août 2011)

En amont des chaînes d’énergie, le choix des tensions élevées s’est également imposé dans les raccordements au réseau de transport d’électricité. A titre d’exemple, c’est la proximité des lignes à 400 kV qui a prévalu dans le choix du site de VAL de REUIL en Normandie pour abriter le plus grand centre d’hébergement d’Orange. Dans une première phase, l’alimentation électrique du site a été assurée par deux lignes à moyenne tension de 20 kV jusqu’au transformateur d’entée dans les salles d’énergie. Au stade final, on a opté pour une ligne intermédiaire à haute tension de 90 kV, sachant que la superficie d’hébergement atteindrait 20 000 m2 et que la puissance globale mise en jeu talonnerait les 40 MW.

L’exploitation des frigories externes

Comme toute l’énergie dissipée 24h/24 se transforme en chaleur, le refroidissement sans interruption des salles informatiques conditionne la qualité de service. Dans la conception du centre, un plancher technique surélevé est mis en oeuvre pour assurer la circulation des flux d’air chaud et des flux d’air froid. L’orientation et la ventilation forcée des baies informatiques permettent d’augmenter la température de soufflage et de diminuer le débit d’air, donc de réduire la consommation énergétique.

Installation du free-cooling air/air indirect

Installation du free-cooling air/air indirect

La technique du « free cooling » permet de valoriser l’air extérieur pour refroidir les équipements quand sa température descend en dessous de 25°C. Afin d’accroître l’efficacité du système, les normes actuelles prévoient de relever la valeur de consigne de la température ambiante interne jusqu’à 27 °C, à condition que la génération des équipements hébergés soit compatible.

Dans les zones tempérées, notamment au nord de la Loire, ce système s’avère être efficace en moyenne 300 jours/an, ce qui engendre d’importantes économies d’énergie. Toutefois, la qualité de l’air (poussières, humidité…) doit être garantie avant qu’il soit diffusé dans la salle informatique. Généralement, on adopte le « free cooling » indirect qui fait appel à des échangeurs air/air et qui introduit un air propre dans la salle, mais l’efficacité énergétique s’en trouve amoindrie.

Les indicateurs de performances

Avec l’apparition progressive des baies informatiques à haute densité, les centres de données sont devenus de plus en plus énergivores, à tel point que les normes et réglementations internationales n’ont pas pu suivre cette évolution. Ce sont donc les normes américaines telles que le PUE (Power Usage Effectiveness) qui se sont imposées pour comparer les performances énergétiques des datacenters. Dans ce cas, il s’agit d’évaluer sur un an la quantité d’énergie consommée par le centre et de la rapporter à la quantité d’énergie nécessaire pour le fonctionnement des équipements informatiques. La nouvelle norme ISO/IEC 30134, en vigueur depuis 2018, précise la manière de mesurer ce PUE et le nombre de mesures à effectuer dans l’année. A ce jour, si l’infrastructure « allées chaudes – allées froides » est respectée, les meilleurs PUE peuvent descendre jusqu’à 1,30.

Comme le système de refroidissement absorbe 30 à 40 % de l’électricité consommée sur le site, on cherche à valoriser la chaleur perdue en l’utilisant pour les besoins du site, notamment pour le chauffage des bureaux. On l’utilise également pour les besoins des entreprises voisines, des zones industrielles ou commerciales, des piscines, des serres, des gymnases, etc. Les réseaux de chaleur existant déjà dans les grandes agglomérations peuvent également bénéficier de cet apport massif de calories.

Toutes les informations qui précèdent attestent que l’efficacité énergétique reste un objectif majeur dans la conception des centres de données. S’agissant des évolutions à venir, on s’oriente vers des équipements de plus en plus modulaires, de telle sorte que les architectures d’alimentation et de refroidissement puissent facilement s’adapter aux extensions des baies informatiques, ce qui permet entre-autres de réduire les charges d’exploitation. Parallèlement, et pour mieux accompagner les déploiements informatiques en termes de rapidité et de flexibilité, certains industriels proposent des solutions pré-câblées en incrémentant des racks par dizaines.

Serveurs immergés dans un fluide diélectrique

Serveurs immergés dans un fluide diélectrique

Sur le plan thermique, on songe également à remplacer l’air ou l’eau de refroidissement en immergeant les racks de serveurs à haute densité dans un fluide diélectrique dont le pouvoir de dissipation des calories est sans commune mesure.

René Revol

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Références :
Solutions éco-performantes pour l’alimentation des datacenters (Filière 3 e www.filiere-3e.fr)
Quelques degrés de plus pour la performance énergétique des datacenters (Filière 3 e)
Publication de novembre 2016 sur l’efficacité énergétique dans les datacenters (ATEE – www.atee.fr)