Première évaluation des compteurs communicants
En avril 2011, j’ai présenté dans cette rubrique « Actualités », une synthèse des communications annonçant la « révolution des compteurs communicants ». En effet, dans son approche économique nationale, ERDF devenue ENEDIS, entrevoyait des économies sur les frais de personnel pour la relève des compteurs et sur les frais de gestion pour les factures contestées, sans oublier les fraudes générant des pertes électriques non identifiables avec les compteurs traditionnels. A ce jour, la stratégie de généralisation annoncée par ERDF semble être respectée, avec une perspective d’équipement de tous les foyers à l’horizon 2021.
Comme j’ai hérité de ce nouveau compteur en décembre 2016, je peux esquisser une première évaluation: théoriquement, les compteurs communicants font partie intégrante du réseau électrique appelé à devenir progressivement plus « intelligent ». Ce futur « smart grid », selon la dénomination anglophone, devrait faciliter l’échange des informations entre les fournisseurs d’énergie et les consommateurs, pour une gestion plus efficace du réseau électrique.
Par rapport aux compteurs traditionnels nécessitant une intervention au domicile du client pour les relevés, la transmission des données de consommation via le réseau électrique est un avantage indéniable qui justifiait, à lui seul, la pose des compteurs communicants. Mais à ce stade, il s’agit plus d’une modernisation des compteurs existants que d’une révolution technologique facilitant la vie des clients ou améliorant la fiabilité de la fourniture d’électricité.
Chacun sait que le réseau est interconnecté en très haute tension (400 000 volts), y compris sur un plan européen, et que pour équilibrer très précisément la production et la demande, le gestionnaire du réseau de transport d’électricité (RTE) surveille les principaux paramètres (tension, fréquence…) dans des « dispatchings » situés au niveau national et au niveau régional. De ce fait, on voit mal comment des compteurs communicants peuvent concourir à une meilleure gestion de l’énergie, ce qui laisse à penser que la dénomination « réseau électrique intelligent » relève plus d’un affichage marketing que d’une révolution technologique.
S’agissant de la transmission des données aux systèmes d’information d’ENEDIS, elle s’effectue via le réseau de distribution en basse tension, grâce à la technologie des courants porteurs en ligne (CPL) à fréquence élevée (63 kHz). Bien que les niveaux d’exposition au champ électromagnétique produit par le compteur lui-même, et par le câblage supportant les CPL, soient considérés comme très inférieurs aux valeurs limites réglementaires, de nombreuses municipalités tentent de s’opposer au déploiement de ces compteurs sur leur territoire.
Parallèlement au renouvellement des compteurs, on a assisté à la généralisation très argumentée des ampoules à basse consommation dans les foyers. Or, contrairement aux ampoules à incandescence, ces dernières sont très sophistiquées: elles intègrent un petit tube fluorescent replié sur lui-même et un circuit auto-oscillant à l’intérieur du culot pour l’allumage. Ce circuit nécessite une alimentation à découpage calée sur une fréquence élevée (25 à 60 kHz) à des fins de miniaturisation.
Dans le cas de figure évoqué, le remplacement de deux ampoules à incandescence d’une applique murale par des ampoules à basse consommation a déclenché un phénomène surprenant. En effet, ces ampoules ont clignoté toutes les secondes en régime permanent, alors que la ligne d’alimentation était coupée par l’interrupteur. Pour interrompre ce phénomène, il s’est avéré nécessaire de changer la marque des ampoules. En définitive, on peut considérer que la fréquence du signal de transmission des données du compteur, et celle du découpage de l’alimentation intégrée dans les nouvelles ampoules, sont du même ordre de grandeur et qu’un phénomène de résonance a déclenché l’allumage intempestif.
Ce dysfonctionnement exceptionnel, lié à une insuffisance des normes internationales, a d’ailleurs été reconnu par les experts du compteur Linky chez ENEDIS. En effet, la compatibilité du compteur Linky avec les nouvelles ampoules, y compris les LED, est garantie si ces dernières répondent également aux exigences des normes françaises.