Quel avenir pour les piles à combustible ?
Les premières expériences mettant en évidence « l’effet pile à combustible » remontent à la première moitié du 19ème siècle, soit peu après la découverte des phénomènes d’électrolyse, mais bien avant celle des moteurs à combustion interne. Notre propos n’est pas de revenir sur la description de ces phénomènes, ni sur la genèse des différents modèles de piles que « Wikipédia » décrit abondamment, mais de nous interroger sur les obstacles qui ont freiné leur commercialisation à grande échelle et le cas échéant, de tracer à nouveau des perspectives d’avenir.
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Nous pouvons nous focaliser sur les piles à combustible (PAC) à hydrogène de type PEMFC (1) que nous retrouvons dans des applications stationnaires ou des applications de transport, y compris les petits générateurs portables, car leur fonctionnement à basse température et à moyenne pression ouvre plus de débouchés.
Ces piles présentent déjà de multiples avantages : compacité, lancement quasi immédiat, niveau sonore très faible, rendement supérieur à 50%, etc. Elles font néanmoins l’objet de nombreuses recherches, accompagnées de gros moyens financiers, pour améliorer leurs performances, accroître leur durée de vie et surtout diminuer leur coût. En effet, la réaction chimique de recombinaison de l’hydrogène et de l’oxygène nécessite la présence d’un catalyseur au platine et c’est l’un des principaux obstacles à franchir dans le développement commercial des PAC, même si l’on pense déjà à une possibilité de recyclage.
Le deuxième handicap des PAC à hydrogène, c’est la maîtrise des risques associés à l’utilisation de ce combustible. L’hydrogène n’est pas toxique mais il présente un risque d’inflammabilité et d’explosivité comparable à celui du gaz naturel dont l’usage est largement répandu. En pratique, les bouteilles d’hydrogène prennent place à l’extérieur pour éviter tout confinement de l’hydrogène en cas de fuite, c’est-à-dire son accumulation à l’intérieur d’un local fermé, au risque d’atteindre la limite inférieure d’explosivité (LIE) du mélange air/hydrogène, soit 4%. Un travail de normalisation et de réglementation a d’ailleurs été engagé pour une meilleure acceptation de la filière hydrogène.
S’agissant des applications stationnaires, le SEBT (2) y avait déjà songé à la fin des années 80 en faisant développer une pile de 3 kW à l’initiative de Jacques Hardange. Plus tard, mon activité de conseil en énergie m’a donné l’occasion de définir les conditions d’emploi des PAC de 5 à 10 kW sur un certain nombre de sites, notamment pour sécuriser l’alimentation d’un poste d’aiguillage du réseau ferré à Gagny (93) ou pour maintenir les fonctions vitales (extinction incendie, éclairage, vidéosurveillance, verrouillage des portes…) d’un grand data-center de l’hébergeur TelecityRedbus à Aubervilliers (93), dans l’hypothèse d’une coupure accidentelle ou malveillante du réseau électrique. A ce jour, ces applications de secours ne représentent qu’un marché de niches, en France comme à l’étranger, d’autant plus que l’alimentation électrique des petits sites est peu sécurisée dans le secteur des télécommunications. En effet, par comparaison avec les batteries, le retour d’investissement des PAC est plus favorable pour des longues autonomies qui n’impactent que la quantité de combustible.
L’utilisation de l’hydrogène dans des applications de mobilité électrique semble plus prometteuse. Utilisé en complément des batteries, l’hydrogène offre l’avantage de stocker dix fois plus d’énergie par kilogramme que les meilleures batteries au lithium et trente fois plus que les meilleures batteries au plomb. En outre, le fonctionnement de la pile à hydrogène n’a pas d’incidence sur l’environnement car il ne produit que de l’électricité et de l’eau par recombinaison. Dans ce type d’application, le temps de recharge jusqu’à 350 bars du réservoir à hydrogène reste comparable à celui des véhicules thermiques.
La filière de la mobilité hydrogène semble donc séduisante, mais elle doit encore faire face à un double défi : celui du déploiement en nombre suffisant des infrastructures de ravitaillement en hydrogène et celui de la production de véhicules à une échelle suffisante pour être commercialement compétitive. En effet, les progrès réalisés dans les applications stationnaires ont déjà permis de réduire le coût du kW à 1500 euros, mais dans le marché automobile, ce coût devra descendre jusqu’à 50 euros pour pouvoir rivaliser avec des moteurs thermiques.
Les constructeurs automobiles asiatiques sont les plus actifs en matière de déploiement de véhicules à hydrogène, notamment TOYOTA qui a mobilisé 4,5 milliards de Dollars dans le développement d’une gamme complète de véhicules à hydrogène et qui a déjà présenté son modèle phare : la Mirai. On notera toutefois que sa pile développe une puissance équivalente à celle du véhicule et que, de ce fait, le prix de ce modèle phare reste hors de portée de l’automobiliste lambda.
En France, les véhicules cent pour cent électriques représentent un marché en croissance mais qui reste très marginal par rapport aux motorisations thermiques, voire les motorisations hybrides, et ce malgré un bonus gouvernemental très significatif. L’une des solutions à venir consiste à développer des « prolongateurs d’autonomie » qui mettent en œuvre des piles à hydrogène de petite taille et qui permettent facilement de doubler l’autonomie des véhicules électriques existants. En effet, une pile de 5kW nécessite une quantité limitée d’hydrogène embarqué, de l’ordre du kilogramme, ce qui répond à l’objectif d’optimisation des coûts d’investissement, que ce soit pour les véhicules ou pour les stations de recharge.
L’intérêt pour le vecteur hydrogène est donc partagé par un nombre croissant d’acteurs industriels mais, comme pour les voitures électriques, la mise en place de véhicules à hydrogène ne peut pas se faire sans solution de recharge et réciproquement. En France, la « communauté hydrogène » regroupée au sein de l’AFHYPAC (3), propose une étape intermédiaire avant de réaliser un maillage national des infrastructures de recharge. Son approche consiste à commercialiser en priorité des petites flottes de véhicules électriques utilitaires revenant quotidiennement en un même point. C’est le cas de la Poste qui mise sur l’hydrogène pour accroître l’autonomie de ses 5000 véhicules électriques Kangoo ZE et qui s’est associée à Renault pour tester des prolongateurs d’autonomie fabriqués par Symbio FCell, une jeune société française largement soutenue par l’ADEME.
En conclusion, le déploiement préalable de véhicules électriques d’entreprise et de postes de charge associés devrait servir de base à un maillage national des infrastructures de recharge en électricité et en hydrogène. Réussir ce challenge paraît indispensable pour rendre les véhicules électriques plus attractifs auprès de l’ensemble des automobilistes. On pourrait de la sorte offrir un avenir aux piles à combustibles inventées depuis près de deux siècles.
René Revol (25/05/2016)
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- PEMFC : Proton Exchange Membrane Fuel Cell
- SEBT : Service de l’Energie des Bâtiments et des Transports de France Télécom
- AFHYPAC : Association française pour l’hydrogène et les piles à combustible